mercredi 26 novembre 2014

Seasons past (Lettre à l'inconnue d'à coté)



Je ne connais pas ton prénom. Tu n’es qu’une voix qui traverse le mur comme un fantôme lorsque je suis dans le salon.
Je t’entends vivre, là, à quelques centimètres de moi.
Dans le micmac des boites aux lettres, je ne sais même pas ton nom de famille.
J’entends ton mari ou ton concubin qui parle fort et crie sur ses enfants régulièrement. Je sais que ce ne sont pas les tiens car votre vie se dévoile au gré de ces conversations voyageuses.
Est-ce que tu te rends compte lorsque vous discutez fenêtres ouvertes, on vous entend de partout ? Dans le couloir, dans les escaliers, dans la cour intérieure, même sur le balcon ; lorsqu’il y a peu de trafic.

Des fois, je vous entends faire l’amour, et je vous écoute.
J’avoue que la gêne se mue en plaisir lorsque je t’entends gémir de plus en plus fort et de plus en plus vite.

Je lutte malgré moi par ce désir de savoir à quoi tu ressembles, nourrir un fantasme malsain qui a commencé avec ce voyeurisme sonore involontaire.
Vais-je attendre de vous entendre sortir pour discrètement allez espionner au judas ? Prétexter de venir étendre du linge et jeter un regard à travers l’œilleton ?
Ou alors sortir, casual, au même moment et sortir une poubelle par exemple.

J’ai peur que tout ceci tourne à l’obsession malsaine.
Et pourtant je ne peux m’empêcher. Surtout lorsque le ton monte.
Comme hier soir, je t’ai entendu crier, presque hurler. Qu’il te faisait mal. J’ai coupé le son de mon film. J’hésite. Dois-je aller frapper à la porte ? Tousser fortement, taper contre le mur ?
J’attends. J’écoute. Ça hurle encore de chaque coté. Ça semble se calmer. De nouveau, tu hurles qu’il te fait mal.
Je me redresse.

La porte claque. Tu t’enfuis dans l’escalier, poursuivie.
J’entends la porte d’entrée de l’immeuble qui s’ouvre.
Je me glisse prestement sur le balcon.
Il fait déjà nuit. Je n’aperçois à la lueur du réverbère que des cheveux semi bouclés châtains qui bougent au rythme des échanges de paroles.
Je reste en retrait de peur que l’un d’entre vous ne regarde autour les badauds qui prêtent l’oreille à cette dispute de couple.
La situation va-t-elle dégénérer ?
Non le volume se rabaisse. L’orage semble s’éloigner. Je desserre les dents. Vous rentrez tranquillement.

Et quelques jours plus tard, de nouveau tes halètements aigus se font entendre. Réconciliation sur l’oreiller mais combien de temps le manège se répètera-t-il encore et encore ? Et en quoi cela me regarde, au final ?
J’ai honte.
Je vais déchirer cette lettre.
Et un jour, en rentrant, je vois les pompiers. Et la police. Je grimpe les escaliers et j’arrive sur le palier. La porte est ouverte. Les pompiers descendent ton corps sur la civière, ton visage recouvert par un drap. Un policier me demande de rentrer chez moi. Il veut me poser quelques questions.
Est-ce que je te connais ?
Non. Je ne t’ai jamais vu, jamais connu que par les sons qui traversaient les fines parois. Une inconnue, pourtant connue si intimement et dont je n’ai jamais vu le visage.
Et qui ne lira jamais cette lettre.

samedi 15 novembre 2014

Pale traces ( ou comment une Oeuvre d'Art en dit long sur Paris)



Je m’insurge contre cet édifice qui va défigurer notre belle capitale. Ne me parlez pas de ça même si c’est provisoire. Il est inconcevable d’avoir cet immense objet phallique, cette turgescence immonde défigurer ne serait-ce qu’un mois notre belle capitale. Qu’on la démonte illico presto !

Et donc au non de l’esthétisme et de la moralité, nous venons non pas de perdre un arbre de Noël coquin et moche vert pomme mais la Tour Eiffel, gigantesque phallus d’acier qui est devenu l’emblème à travers le monde de la Ville Lumière.
Certes on va concéder que cela ne ressemble pas vraiment à un objet purement sexuel qui aurait pu faire de nous la capital des gays et utilisateurs de plug anal de géant vert du Monde.

Mais le principe est là. Nous sommes en face de réactions vis à vis d’une œuvre d’Art.

Alors oui il faut se rappeler que l’Art est une question multiple qui sert à beaucoup de chose et à rien au final.
Cela sert à plaire, avoir un coté esthétique et ça sert aussi à avoir un coté réactif.
 L’art a but de faire réagir la personne qui est en présence. Cette réaction est d’ordre multiple, questionnement, réflexions, admiration, haine, dégoût, amour, syndrome de Stendhal.

Quelque soit l’intention de l’auteur, chaque œuvre sera confrontée à des réactions diverses.

Avec l’histoire du Paul McCarthy, on a un bel exemple.

 Est-ce que le gros truc vert immonde mi arbre / mi plug anal a fait réagir ?

Il est clair que oui.
 Déjà de la partie de l’érection de la structure gonflable, on a parlé de cela y compris dans les média étranger.
 Alors oui les ‘bien-pensants’ (qui apparemment savent ce qu’est un plug anal) estime que cela défigure la capitale, c’est indécent, immoral, affreux, inutile et toute la palette que l’on puisse imaginer.
C’est leur droit le plus strict d’avoir une opinion, un avis, un goût et de le faire connaître.

Là où le bas blesse, c’est lorsque l’on devient violent dans ses réactions. Injures, insultes, agressions verbales et physiques et dégradation de l’œuvre.

Alors que l’on trouve cela inutile, on ne peut être plus loin de la vérité puisque justement l’œuvre fait réagir, ce qui est l’un de ses intérêts principal.

Ce qui même valide de plus la démarche artistique est la violence des réactions. Plus la réaction est forte plus l’œuvre est pertinente.
La provocation pour la provocation peut sembler inutile et stupide (et elle l’est d’un certain sens) mais de part l’intensité des réactions, l’œuvre prouve bien qu’elle frappe des clivages forts. 
Une œuvre qui laisse indifférent perd grandement de son attrait artistique.

La réaction est d’autant plus forte qu’elle réussit, a défaut de plaire esthétiquement (c’est quand même très moche), de démontrer que notre société (parisienne) reste très bloquée sur ce qui est sexuel.

J’en veux pour preuve l’affaire Diane Ducruet (en autre)
Des personnes se sont trouvées choquées par une image d’une mère ‘mangeant’ le visage e son enfant.
7 lettres de protestations ont été envoyées et l’œuvre (qui était dans la thématique de l’intime.. fallait choisir les fleurs peut être) a été retirée de peur d’être vandalisée.
Alors la question qui nous agite n’est pas tant de savoir si l’image est pornographique, incestueuse, hérétique, impie ou plus si affinités.
Ce débat là, il est normal de l’avoir.
Non mais pour l’avoir faudrait il encore avoir la confrontation de l’œuvre.
Hélas les propriétaires de la galerie ont décidé d’éviter un futur scandale et saccage de l’œuvre ou de la galerie et ont donc décroché la photographie.

7 demandes et pouf sans explication, sans débat, sans consultation, sans confrontation et explication de l’artiste, on vire une œuvre.
Où en est on arrivé  pour que l’on saccage des œuvres d’Art ?
Qui peut décider de détruire, de mutiler, de casser une œuvre sous prétexte qu’elle est offensante ?
Pourquoi ne pas peinturlurer l’origine du monde ?
Pourquoi ne pas mettre un coup de burin dans les burnes du David de Michel Ange ?
L’Art est là pour refléter la société et la bousculer, la faire réfléchir sur elle-même.
Où en sommes nous arrivé pour que l’on soit obligé d’être d’une provocation flagrante pour faire réagir et que cette réaction soit aussi véhémente ?
Violence physique pour répondre soit disant à la légitime violence de l’Art.
Menaces et peur irraisonnées qui poussent à retirer des œuvres plutôt qu d’engager la discussion.
Oui le plug anal de Noël était laid et moche. Et pourtant oui c’était une œuvre d’Art car elle  a fait réagir.
Une amie ne disait que ce n’était pas une perte pour l’humanité. Je me dois d’être d’un avis et de recourir à la violence plutôt qu’au dialogue.
Qu’est-ce que notre Art contemporain dit alors de nous et de notre société ?